Du chanvre qui se transforme en énergie vertueuse
Dans quelques mois, les travaux de construction de l’usine Qairos Énergies devraient démarrer à Trangé (72), concrétisant l’idée incroyable de Jean Foyer : utiliser le chanvre pour produire de l’énergie verte et locale. Cet ancien ingénieur en construction automobile nous en dit plus sur la création de cette filière innovante à impact positif. Entretien.
Comment cette idée a-t-elle germé dans votre esprit ?
Grâce à des rencontres et la découverte de pratiques inspirantes. Au fil de mes voyages à travers le monde, j’ai rencontré des constructeurs automobiles asiatiques qui m’ont sensibilisé à des modes de mobilité autres que le thermique, j’ai constaté qu’en Inde ou en Corée du Sud, la production d’énergie se faisait localement… C’est là que mon intérêt pour l’hydrogène a commencé à s’intensifier. Alors, lorsqu’en 2018, l’une de mes connaissances me fait remarquer que je parcours la planète pour partager mes compétences mais que je ne fais rien pour mes voisins agriculteurs sarthois, c’est le déclic !
Je suis convaincu qu’il est possible d’établir un pont entre l’agriculture et la production d’énergie pour répondre aux défis imposés par la transition écologique, aux enjeux des agriculteurs et aux questions liées aux mobilités de demain. Ce pont s’appelle l’industrie décarbonée.
Concrètement, que propose Qairos Énergies ?
En créant Qairos Énergies, j’ai voulu répliquer ce modèle de circuit court avec une solution industrielle permettant de produire de l’hydrogène vert à partir de chanvre cultivé localement. Ce sont plus de 1 500 hectares de chanvre qui seront cultivés par des agriculteurs sarthois, dans un rayon de 35 kilomètres de notre futur site de production.
Le chanvre est tout d’abord récolté et les graines sont valorisées dans l’industrie agroalimentaire. Les tiges sont mises en bottes et ensuite livrées au fil de l’eau au site de production où elles sont défibrées, les fibres étant valorisées localement. Les résidus sont ensuite broyés puis chauffés à très haute température se transformant en gaz duquel on peut extraire 5 produits qui seront vendus localement :
- de l’hydrogène renouvelable, distribué via une station aux véhicules équipés de moteur adéquat ou de piles à combustible,
- du biométhane, réinjecté dans le réseau de gaz français pour des usages locaux,
- du CO2, stocké puis utilisé pour les industries agroalimentaires à proximité,
- de la cendre minérale, destinée aux agriculteurs afin de restituer au sol les minéraux du chanvre,
- de la chaleur renouvelable, distribuée dans un réseau de chaleur en boucle locale.
Notre première unité de production permettra d’alimenter quotidiennement en hydrogène 60 camions, bus et bennes à ordures et de chauffer environ 8 000 logements ! Elle va également créer une trentaine d’emplois et impliquer 150 agriculteurs. Ceci reste humble à l’échelle de la planète mais c’est un petit pas à impact positif sur le long chemin qu’est la transition énergétique !
De l’idée à la concrétisation, quelles ont été les étapes ?
C’est un long parcours ! J’ai d’abord fait appel en 2019 à la Région des Pays de la Loire et à Bpifrance pour obtenir un PL2I (Pays de la Loire Initiative Innovation) qui m’a permis de financer le PoC (Proof of Concept, ou preuve de concept en français). Une première étape qui a démontré que cette solution était inno- vante et fonctionnait. Elle a également attiré les premiers investisseurs privés.
En 2020, j’ai contacté Bpifrance pour présenter le PoC : Qairos Énergies a alors été labellisé Deeptech et a reçu une bourse. Nous avons ainsi pu créer un pilote, conceptualiser une usine et donc formaliser une preuve industrielle grâce à un accompagnement de la Région des Pays de la Loire et au soutien de mes investis- seurs privés – tous ligériens –.